Le Point Afrique : Quelle économie numérique pour l’Afrique ?
Mohamed Diawara :
L’avenir du numérique pour l’Afrique se définit déjà aujourd’hui. Mais cette question englobe aussi celle sur la place du numérique africain dans la communauté universelle. Pour nous, l’enjeu majeur du numérique en Afrique doit s’articuler autour de l’emploi. C’est-à-dire que le numérique doit être créateur d’emplois, en nombre pour résorber en partie le chômage. Mais aussi répondre à d’autres urgences. Parce qu’actuellement, le chômage des jeunes, c’est la cause du terrorisme, de la violence, du déséquilibre de notre démocratie. Pour pallier ces problèmes qui représentent des enjeux énormes pour nos pays, il est important de mettre l’employabilité numérique au cœur de notre politique, et au cœur de notre stratégie de développement, au service de la jeunesse et de l’emploi. Concrètement, nous formons des jeunes prêts à répondre à l’offre numérique proposée sur place. Ces emplois permettront dans le même temps de répondre aux besoins de souveraineté et de gouvernance numérique. Et aussi aux besoins de nos secteurs porteurs comme l’agriculture, l’agri-business, la santé et la télémédecine. L’idée est de faire en sorte que le capital humain qui existe en Afrique réponde aux besoins du numérique.
Quels enjeux pour la formation aux métiers du numérique en Afrique ?
Au Mali, nous avons structuré le projet numérique autour d’une verticale. Elle regroupe tous les acteurs de l’écosystème, que ce soit la société civile, les entreprises informatiques, les écoles, les incubateurs autour d’un projet de formation, mais aussi d’identification des filières numériques pour permettre de booster l’entrepreunariat numérique. D’autres domaines de vie comme la citoyenneté numérique sont abordés et développés, parce qu’aujourd’hui le numérique apporte une civilisation. Et à mon avis aucun pays ne mérite de rester en marge de cette dynamique. Il faudrait dans nos cas réussir à créer des ponts avec les différents continents impliqués dans le contexte africain.
Mais aujourd’hui, un cap a été passé dans l’innovation, on ne peut plus seulement répondre aux enjeux de solidarité…
S’il n’y a pas de problématiques, alors il n’y a pas d’innovation. Et l’Afrique doit prendre ces problématiques comme des opportunités. Les problèmes d’électricité, d’Internet, de connectivité, d’accès aux infrastructures de base sont toujours là. Et je suis content de voir des initiatives se multiplier toujours plus pour les résoudre. Le problème de la fracture numérique, ce sont des opportunités, les contraintes liées aux déplacements, à l’accès aux soins sont des opportunités. C’est à partir de ces opportunités qu’il faut identifier et créer des portefeuilles de projets sur lesquels les jeunes peuvent imaginer des filières numériques. Il faut être patient, la révolution industrielle a pris du temps, donc il faut accepter les premiers échecs de nos jeunes. Il est normal que la révolution numérique connaisse aussi son lot d’échecs.
L’entrepreunariat ne semble plus faire l’unanimité pourtant….
On voit beaucoup de start-up ou d’entreprises qui s’arrêtent les premières années. C’est bien normal, car il faut un premier retour d’expérience afin de construire une vision objective et à long terme du numérique. Il ne faut pas qu’on aborde le sujet du numérique à court terme, on doit réfléchir à des stratégies à moyen et long terme pour permettre de répondre à quelques difficultés quotidiennes. C’est aussi l’occasion de réfléchir à notre stratégie de développement et d’envisager le numérique comme levier. Acceptons l’échec de nos start-up pour construire l’avenir numérique africain de demain.
Quelle stratégie numérique pour les États africains ?
De son côté, je trouve que l’État malien a très bien compris cette donnée. Le Mali, en Afrique, a progressé de la 143e vers la 141e place du classement Doing Business malgré la crise, malgré le terrorisme et l’incertitude. En réalité, c’est grâce au numérique que le Mali a gagné ces places. Parce que le numérique a été transversal dans les réformes entreprises par le gouvernement avec la création d’un département numérique (ministère de l’Économie numérique) et l’adoption d’un plan (Mali 2020). Il faut du numérique désormais pour intégrer les nouvelles données à destination des investisseurs. C’est ainsi le climat des affaires qui est assaini, ainsi que l’attraction envers les investisseurs étrangers.
Source : Le Point Afrique